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Consommateurs sous influence
Décembre est le grand mois des achats et des cadeaux et vous ny échapperez pas
Pour être acheté sans réticence, le produit doit répondre à huit besoins cachés: il doit flatter le narcissisme du consommateur, lui apporter de la sécurité émotive, lui assurer qu'il est méritant, l'inscrire dans son époque, lui donner un sentiment de puissance, d'immortalité, d'authenticité et de créativité. En agissant sur ces différents leviers, distributeurs et publicitaires vont faire acheter leurs produits non pas pour leur utilité mais pour le "manque" qu'ils promettent de combler. De ces recherches est né le concept commercial des supermarchés ou hypermarché. Un choix immense, des rayons à perte de vue, une avalanche de couleurs et de lumière. Autant d'éléments qui, au final, favorisent les achats impulsifs. Dans les épiceries où il y a des vendeurs, les achats impulsifs sont environ moitié moindres.
Dans les grandes surfaces, le choix des musiques d'ambiance ne doit également rien au hasard. Ici, on joue sur le tempo. Une musique lente avec une propension à la nostalgie ralentit la marche des clients. Et plus ceux-ci restent dans le magasin, plus ils consomment. A l'opposé, dans les fast-foods où l'on souhaite enchaîner les services, on opte pour des musiques beaucoup plus rythmées.
Les fabricants misent aussi sur les odeurs. Les prochains jeux électroniques diffuseront l'odeur des pneus qui chauffent, celle du souffle d'un dragon ou de la poudre d'un coup de feu. Ces odeurs sont stockées au niveau du système limbique, sous forme d'émotions liées au contexte dans lequel elles ont marqué le sujet. Si l'on ressent l'une de ces odeurs par la suite, elle replonge alors la personne dans ce qu'elle a vécu précédemment. Le consommateur, lui, n'a conscience de rien. Cette stimulation se fait complètement à son insu. Une tentation pour les grandes surfaces. Certaines, pour augmenter leurs ventes, n'y auraient pas résisté: diffusion d'arômes artificiels de fruits mûrs sur des fruits qui ne le sont pas encore, odeur luxueuse de cuir sur des produits en plastique... Dernière nouveauté, l'odeur de cuir neuf, qui fait le bonheur des vendeurs de voitures d'occasion.
Dans un tel contexte, et même s'il se croit libre, le consommateur tombe dans un piège invisible où chacun de ses gestes est prévu d'avance, chacune de ses décisions préalablement étudiée. Les pressions extérieures se sont métamorphosées, à la plus grande joie des experts en marketing, en pulsions incompréhensibles qui s'inscrivent, comme l'alcool, dans le cadre de la dépendance et des troubles psychiatriques.
Ainsi est évoqué par des psychiatres le cas d'Eléonore: "Au moment de ses achats, elle ressentait une excitation intense, l'impression de ne plus être elle-même, de perdre tout contrôle. Dans la même journée, elle était capable d'acheter plusieurs chapeaux, des dizaines de robes, des dizaines de paires de chaussures. Expulsée de son logement dont le loyer était impayé depuis six mois, Eléonore, après une tentative de suicide, a été hospitalisée en psychiatrie. Ce fut l'occasion d'amorcer enfin une prise en charge globale par un traitement psychothérapeutique adéquat, cognitivo-comportemental.
Pierre
Bartissol de Calvisson
A propos de ..
Je découvre avec une certaine délectation le mouvement " décroissance soutenable". Merci pour le soutien que vous y apportez, en diffusant l'info sans intox.Permettez -moi de communiquer un extrait de l'ouvrage " L'individu incertain" ( Alain Ehrenberg/ Coll.Pluriel, Hachette ed.)
... p.59
"...Le grand magasin [ il s'agît alors des magasins du Second Empire ] inaugure le spectacle de l'abondance à portée de main et fait voir un monde où un consommateur pourrait posséder les images de la richesse sans avoir réellement un revenu important...
[...]....ces images proposent des styles de vie qui s'adressent à la petite bourgeoisie et aux classes moyennes, fournissant des modèles du confort moderne, du bon goût et de la vie excitante.(...)
[...] Un débat sur la consommation émerge, sur le thème des effets de la démocratisation du luxe : aux tenants d'une augmentation du bonheur individuel et de l'harmonie sociale s'opposent ceux qui n'y voient qu'une augmentation des souffrances morales et des haines sociales. Une double figure se construit à la fin du XIX° siècle autour de la consommation : celle du bourgeois condamné au mauvais goût, à la fuite en avant dans l'étalage des signes et à la petitesse, l'envie ou la frustration dans son avidité de montrer son statut, et celle de l'homme de masse hypnotisé, envers du déracinement et de l'absence de matrimoine.
Le bourgeois et l'homme de masse sont deux esclaves de la modernité.
Bonjour,
Il me semble bien reconnaître la prose du Numéro 2 de
"Liquidation Totale" en filigrane dans ce texte : "Consommateurs
sous influence"... Je ne peux donc qu'approuver ce qui est
dit.
Bonne continuation
Pour LT, Stéphane
J'ai eu, il y a quelques années une vision : la vie
conditionnée sous forme de boite était mise en vente
dans les magasins. L'acheteur qui souhaitait une vie pleine
d'aventure, achetait une boite contenant l'aventure, celui qui
désirait une vie romantique prenait une boite contenant un
assortiment de vie, conservée ...
Mais la vraie vie, comme celle des consommateurs de conserves va disparaître
A quand donc, messieurs les directeurs des multinationales, des boites de vie dans vos magasins ?
Georgica, Bucarest
(NDLR : texte original corrigé au niveau syntaxique et orthographique)